1886 : Un courrier pour l’indépendance de Moussy

Le texte ci-dessous est une retranscription d’un courrier retrouvé aux archives de la commune.

Moussy (Seine et Oise), le 18 juillet 1886

A Monsieur le Président du Conseil d’Etat

Monsieur le Président,

La commune de Moussy, canton de Marines, Seine-et-Oise, en instance pour obtenir pour son église le titre de chapelle vicariale, et, par suite, ce qui était surtout le but de ses démarches, le droit à un conseil de fabrique, a dû ajourner ses espérances à la suite de la lettre ci-après de M. le Sous-Préfet de Pontoise en date du 17 décembre 1883 :

Monsieur le Maire,

M. le Ministre des Cultes a soumis à l’examen du Conseil d’Etat, un projetde décret tendant à l’érection en chapelle paroissiale de l’église de la commune de Moussy, actuellement réunie à la succursale de Commeny.

Le Conseil d’Etat fait remarquer que la commune de Moussy compte une population de 120 habitants à peine, et qu’en outre, la distance entre cette commune et le chef-lieu paroissial n’est que de deux kilomètres. Il estime, en conséquence que l’érection projetée n’est pas suffisamment justifiée.

En présence de cet avis, M. le Ministre a renvoyé à M. le Préfet le dossier de l’affaire, à laquelle il n’y a pas lieu de donner suite.

Agréez etc…

Si d’après le désir du conseil municipal, je me permets, Monsieur le Président, de revenir sur la question, c’est que la commune de Moussy n’a peut-être pas assez insisté sur le but qu’elle poursuit.

En s’engageant à subvenir aux frais d’un vicaire, elle n’a pas entendu exprimer l’espoir d’en avoir un. La succursale de Commeny, dont l’église de Moussy n’est qu’une annexe, n’a même pas de desservant : Nous ne pouvons prétendre, notre église ait elle le titre de chapelle vicariale, qu’il nous soit accordé un prêtre, alors que dans un rayon de cinq kilomètres, trois succursales, à notre connaissance en sont dépourvues. Il s’agit bien moins d’une question de culte que d’une question d’administration. Il s’agit encore moins de charges nouvelles, soit pour la commune, soit pour l’Etat, pour qui, du reste, ainsi qu’il résulte d’une déclaration ministérielle du 11 mars dernier, l’indemnité allouée aux vicaires est absolument facultative.

Actuellement l’église de Moussy est administrée par le conseil de fabrique de Commeny, et si un contrôle peut être exercé à cet égard, c’est par le conseil municipal de Commeny. Mais pourquoi, nous demandons nous, cette suprématie de Commeny sur Moussy ?

Notre église est entretenue et ornée à nos frais et nous investissons sur nos revenus, le desservant qui vient y célébrer les offices le dimanche.

Nous avons un territoire absolument égal à celui de Commeny. Dans le passé, Moussy avait la prééminence sur Commeny. Au temps de la féodalité, le seigneur de Moussy avait droit de haute justice sur Commeny, droit acquis le 27 janvier 1181 du duc d’Anjou, frère du roi par Claude Barjot, résident au Grand Conseil. Il portait le titre de Seigneur de Commeny. Quand, plus tard, un descendant des Barjot céda ses prérogatives sur Commeny, il se réserva dans l’église de cette localité, la chapelle près du grand autel à main gauche, en entrant et pour son moulin de Moussy le privilège de moudre le grain des habitants de Commeny. Transaction qui a fait l’objet d’un arrêté du Parlement du 1er juillet 1632. Au siècle dernier, le seigneur de Moussy, continuait de jouir de nombreux droits féodaux à Commeny.

Evoquerai-je ici le souvenir des Hérault, des Moli, des Lanvignon, dont les noms se retrouvent si souvent dans les annales de Moussy !

De temps immémorial, il y avait un curé à Moussy avec des terres fabriciennes importantes constatées dans des terriers conservés du 17éme et du 18éme siècle. En 1378, le chevalier Pierre d’Aumont, chambellan du roi, avait acquis dès 1364, de Raoul de Basseaumont, prévôt de Chaumont, partie de la terre de Moussy ; achète le surplus des exécutions testamentaires de feu M. Gautier du Rû, à la charge entre autres, de deux années de blé que ledit défunt laissa et aumôna au curé de ladite ville de Moussy pour dire et célébrer par chacun en trois messes solennelles en l’église de ladite ville pour le salut de l’âme dudit défunt.

Le 13 octobre 1337, aux termes d’un acte de vente, sous forme d’adjudication, du ministère de Dechars, tabellion à Moussy, les marguilliers de l’église de Moussy vendaient deux pièces de terre moyennant neuf cent vingt-cinq livres payés aux marguilliers pour être, par eux, employés au bâtiment commencé à l’église de Moussy.

Les registres de baptêmes, mariages et sépultures, déposés aux archives de la commune et continus jusqu’à 1792, montrent également l’existence d’un curé à Moussy et par suite d’un conseil de fabrique.

C’est ce conseil de fabrique que nous voudrions relever ; ce que nous demandons pour notre église, en très bon état et d’une solidité à défier les siècles, c’est une administration indépendante de Commeny.

Cela importe aux bons rapports entre les deux localités, rapports de tout temps très altérés, et surtout fort troublés dans ces dernières années à propos d’une question de loyer du presbytère résolue enfin en faveur de Moussy.

La population de Moussy, qui subvient chez elle aux frais du culte, voit avec regret que l’administration de son église appartienne à une localité voisine. La fabrique de Commeny a des terres et des revenus, et cependant elle laisse dans le plus grand abandon l’église de Moussy, dont elle encaisse le peu de revenus. Tout élan de générosité en faveur de cette dernière est arrêté par suite de cet état de choses. La commune de Moussy, dans le présent comme dans l’avenir, ne saurait manquait d’importuner les pouvoirs publics pour obtenir en faveur de son église une meilleure situation.

Je réponds au sentiment intime invétéré de la population, en sollicitant du Conseil d’Etat un avis favorable au projet de décret qui lui a été soumis, tendant à l’érection en chapelle de l’église de Moussy.

Au temps du Président Hérault, d’illustre mémoire et dont le nom est gravé en qualité de parrain sur l’unique cloche, qui de trois, reste à notre église, possédait le domaine de moussy, nous avions une école.

Cette école avait cessé d’exister et ce n’est qu’en 1869 qu’elle a été réinstallée. Nous avons depuis construit une école-mairie et consenti pour cela des sacrifices qui pèsent encore sur nous. Mais ces sacrifices ne peuvent qu’être un titre à la bienveillance du Gouvernement.

Nous n’avons plus qu’une chose à envier aux siècles passés, c’est l’autonomie pour notre église, c’est l’existence d’un conseil de fabrique, c’est une administration distincte de celle de Commeny.

Nous avons rempli pour arriver à ce résultat, toutes les formalités prescrites, contracté tous les engagements voulus, obtenu l’avis favorable de M. le Ministre de l’Intérieur et de M. le Ministre des Cultes.

Nous espérons que le Conseil d’Etat voudra bien, après un nouvel examen de l’affaire, se prononcer en faveur de l’érection sollicitée, érection à laquelle nous attachons le plus grand prix.

J’ai l’honneur d’être,

Avec le plus grand respect

Monsieur le Président,

Votre très humble et très obéissant serviteur.

Le Maire de Moussy